Tout Pour Plaire

Photo by Dazzle Jam from Pexels

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J’ai été conditionné à être un objet.

Il fallait à tout prix appartenir à quelqu’un. Mon

quotidien consistait à faire le beau, en espérant qu’on

me remarque et qu’on me choisisse.

Comme au marché, sur un étalage, un produit n’a de

l’intérêt que s’il a des chances d’attirer l’attention d’un

consommateur. Il fallait à tout prix plaire, s’attribuer

les critères que la clientèle jugeait flatteurs.

Là d’où je viens, les femmes ne valent pas grand-chose.

La concurrence est rude et le marché est monopolisé

par une certaine catégorie aux caractéristiques bien

spécifiques.

Personnellement j’ignore qui a fixé ces règles, mais ma

mère s’y est conformé, ma grand-mère avant elle et mon

arrière grand-mère aussi d’après ce qu’on raconte.

Se rebeller équivaudrait à manquer de respect au Tout-

Puissant qui selon le pasteur voulait que les choses se

passent ainsi. Depuis la création, il nous l’a clairement

fait comprendre. Des fois j’ai du mal à comprendre ce

qu’il raconte, il peut être si confus. Le mot mystère, il

aime bien l’utiliser comme échappatoire pour justifier

les trous dans ses raisonnements.

Des fois je doute et je questionne. Il y a tant de

contradictions qu’on finit par se perdre et qu’on préfère

se conformer plutôt que de questionner.

Qui a raison ?

Qui détient les vraies réponses ?

Ce que l’on veut entendre n’est pas forcément vrai.

Ce qui nous blesse et nous porte préjudice n’est pas

forcément faux non plus.

Ce soir, dans mon lit, enveloppé du plastique qui permet

de maximiser l’effet de mon mélange eclaircissant, les

pensées se bousculent dans ma tête. Ma mère dit

souvent que derrière les propos du Pasteur se trouvent

l’inspiration divine. Une femme doit être soumise car

c’est la volonté du Très-Haut. Elle doit se plier en quatre

pour faire plaisir à celui qui daignera poser le regard sur

elle et l’élever au rang d’épouse.

Parfois il m’arrive de penser qu’une mauvaise

interprétation des messages peut mener à une

incompréhension et une transmission erronée. Mais au

fond j’évite de me battre et d’exprimer le fond de mes

pensées. Se conformer est plus facile lorsqu’on a les

moyens de mettre les chances de son côté.

Je ne fais pas partie du monopole mais il existe des

moyens pour berner la clientèle.

Les femmes aux cheveux lisses, à la peau blanche,

propre et saine sont synonymes de beauté, on les

respecte. J’envie le traitement qu’elles reçoivent.

Mes cheveux crépus me causent beaucoup de peine et

ma peau noire me rappelle le charbon qui salit.

Plus tôt dans la journée on a appliqué le défrisant sur

mes cheveux rebelles. Le processus a été douloureux

pour mon cuir chevelu. J’ai conservé quelques blessures

mais ça en valait la peine. Plus tard dans la soirée, j’ai

également utilisé la crème défrisante pour concocter

une mixture pour ma peau, au début j’avais peur mais

l’excitation a pris le dessus. Avant de fermer les yeux je

me rappelle de cette maxime qui dit qu’il faut souffrir

pour être belle.

J’ai hâte de me parader le lendemain avec ma nouvelle

couleur de peau. J’attirerai plus de regards.

Neisha Etienne

I am a medical student, I was born and raised in Haiti, The first black Republic. I write to give the readers an opportunity to get another POV when it comes to certain situations regarding women.

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